Ecologie Intégrale – Laudato Si !
J’aurais tendance à parler d’écologie, mais j’espère mieux répondre à votre attente en cherchant à me situer d’abord, à la lumière de la foi, comme créature parmi les créatures. De même, je pourrais me renseigner auprès des experts sur des solutions techniques, je voudrais plutôt entendre dans l’Évangile que le Seigneur nous sauve, et que nous pouvons puiser à l’espérance chrétienne pour assumer notre responsabilité d’habitants de la terre à l’égard de celle-ci. S’il y a dans notre rapport à la nature quelque chose à revoir, c’est sans doute aussi parce que nous restons souvent sourds à la sagesse du Seigneur. Le temps où nous étions ignorants des effets secondaires, d’impacts d’usage de la technique a passé. La vigilance, la responsabilité, le partage dans ce qu’on peut ou non faire dépendent de la justice et de la charité. En témoignant, j’aurais envie de dire que je ne fais pas assez. Mais un témoignage peut susciter des réactions, peut inviter à changer les habitudes pour qu’on fasse plus ensemble. Comme vous, il y a ce que je vois de la situation du monde. Mais pour devenir un témoignage, mes propos devraient aller plus loin que ce que je ressens ou ce dont je rêve. Pour parler de mon engagement, j’ébauche tout de même quelques éléments d’une présentation. Des études d’ingénieur visant l’utilisation rationnelle de l’énergie, suivies d’une année de travail qui veillait au rendement des systèmes de chauffage. Pour devenir prêtre, j’ai continué avec les études au séminaire de la philosophie et de théologie. J’ai pu au passage, dans ma manière d’appréhender le monde, chercher à conjuguer une vision de foi avec une sensibilité à la responsabilité de l’usage de la technique.
Comme prêtre, on ne prêche pas qu’à des écolos, on ne prêche guère à des écolos qui s’affichent comme tels. Je rêverais d’agir avec eux, ce serait précieux comme contacts et partages. Quelque chose s’impose pour que mon action individuelle ne soit pas trop isolée et que je ne relaie pas non plus que des « il faut ». Sans jamais avoir en main les leviers qui garantiraient que l’usage collectif s’ajuste à la crise écologique, je pense nécessaire de situer qui est qui et estimer le travail de sensibilisation au problème de l’environnement. C’est aussi une remise en question du progrès auquel nous sommes habitués. Si je roule à vélo au milieu d’un embouteillage de centaines d’automobilistes qui pensent impossible de ne pas prendre la voiture, si je ramasse dans les fossés de trop nombreuses canettes laissées là par une frange de la population qui semble devenue insensible à l’état des abords des routes, mon engagement, jugez-en avec moi, est bien dérisoire. Mais j’y fais l’expérience qu’une autre vie est possible. Je peux en rêver mais je ne peux en rester là. J’aimerais le faire goûter comme le Seigneur peut nous faire goûter les fruits d’une conversion.
Au-delà des mesures techniques et politiques indispensables, je me demande ce qui peut susciter un changement de mentalité et je fais le recoupement avec l’exigence d’une conversion dans une société qui brouille bien souvent les pistes sur ce que veut dire réussir sa vie, s’épanouir, être heureux. Mon espérance est le cadre où j’attends que se concrétisent des concertations, des partages, de quoi nous encourager sur un chemin de foi qui portera de nombreux fruits, mieux que la contrainte venant de mesures même si elles sont décidées par des experts. Je crois que c’est le projet de l’humanité qu’il faut revoir pour montrer la liberté de chacun quand il choisit et laisse parler l’espérance qui est la sienne. Et que cela coïncide avec le respect de la vie, l’amour du prochain, le tri entre le futile et l’essentiel. Je porte dans la prière et dans mon agir que tout cela devienne la Bonne Nouvelle, et puise à celle de Jésus pour prendre soin de la maison commune pour reprendre l’expression que le pape François utilise pour parler de notre planète. Voilà quelques éléments qui introduisent à ce que demande une transition écologique intégrale.
Le mot est lancé : je parle de transition écologique, mais il faudrait aussi parler de conversion, avec la dimension spirituelle que cela évoque. C’est comme la foi, pour le pasteur que je suis comme prêtre. J’accompagne sur le chemin où doit se produire un changement de mentalité. Non pas le respect contraint de mesures, buriné par des slogans et par la menace, mais un autre goût de la vie retrouvé avec le goût de l’essentiel et la redécouverte d’un potentiel de solidarité entre les personnes de bonne volonté. Je peux évoquer de ce que nous faisons dans mon équipe Notre Dame : nous partageons sur ce que nous pouvons faire au quotidien, encouragés par un livre stimulant. Au niveau du doyenné, se met en place un groupe qui voudrait faire de la transition écologique une réalité vécue et partagée. Nous avons la chance pour cela de nous laisser guider par Entraide et Fraternité qui stimule cette mouvance au niveau diocésain. Il y a une responsabilité qui nous incombe quand nous regardons la nature, et même ce regard peut changer. Si nous la voyons tantôt sous l’angle de nos relatives maîtrises techniques, tantôt sous l’angle de nos inquiétudes, dans les prises de conscience d’impacts quasi- ingérables tant que la politique ne suit pas. Dans le souci non seulement des autres mais du « nous » que nous sommes appelés à former, un « nous » en lien avec l’environnement, je voudrais dire que la miséricorde doit abonder. Nous en sommes loin. Et je ne sais pas si mon témoignage peut un peu ressembler à l’appel d’un prophète !
En m’adressant à vous, j’espère que ce témoignage sera soutien et encouragement. À chacun de chercher selon ses possibilités à faire preuve de sagesse avec l’usage de la technique. Mais à tous de nous y encourager. À chacun de trouver des marges de manœuvre dans un progrès qui n’a rien d’automatique mais qui touche plus à l’humanité, à ce que nous sommes au sein de la création. Il a fallu qu’un homme, pas n’importe lequel, parce que c’est le pape, il a fallu que François écrive une encyclique sur la sauvegarde de la planète, notre maison commune, pour que mon engagement prenne un autre sens, que je le sente rejoindre l’engagement de chaque chrétien qui agit en réponse à Laudato Si. Les chrétiens, au sein de l’Église, peuvent offrir à tous leurs contemporains une bonne volonté pour le bien de tous y compris le bien de la planète. Ils ont là un terrain où être témoins d’une force qui les dépasse. Je terminerai donc en faisant écho à un appel que lance Laudato Si : n’y a-t-il pas là une nouvelle manière de vivre le commandement de l’amour et n’est-ce pas cela, la foi, une foi active ? En effet, l’écologie intégrale revêt la dimension spirituelle d’une charité à exercer concrètement pour le bien de tous et pour l’avenir du monde où nous sommes. En cela, soyons portés par l’espérance, parce que le Créateur en est la source.
Bruno Robberechts – CS Namur 32